Les conditions de détention du soldat Manning :
de la torture ?
Une chose est sûre : depuis des mois, Washington aimerait voir passer à table le soldat Manning. Jusqu’ici, il a toujours nié avoir été encouragé par le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, à partager avec lui le trésor d’informations qu’il avait accumulé pendant son service en Irak. Or, sans cet aveu, Washington est dans l’incapacité de porter la moindre charge contre Assange pour avoir diffusé 250 000 documents secrets, dont les câbles diplomatiques embarrassants émanant des ambassades américaines.
Entre le porte-parole du Département d’Etat et le Pentagone, Barack Obama devait choisir. Il a opté pour les militaires : « Les conditions de détention sont appropriées et conformes aux standards. Ils (les militaires) m’ont assuré qu’elles l’étaient », s’exaspérait le président en répondant à une question.
George Bush, lui aussi, plaçait sa pleine confiance dans les méthodes des interrogatoires, notent les plus sceptiques. Parmi ceux-ci, l’élu de l’Ohio Dennis Kucinich a été le premier à tirer un éventuel parallèle entre la base militaire de Quantico où est détenu Bradley Manning, et la logique qui a amené au scandale de la prison d’Abou Ghraib ou à Guantanamo. « L’emprisonnement sans jugement, les conditions de détention, tout cela est conduit de manière irrégulière, estimait-il. Cela n’est pas défendable. Et cela devrait nous amener à nous poser des questions sur les motifs du gouvernement pour faire taire ceux qui ont des informations. »
Avant même la diffusion des documents qui ont fini de rendre célèbre WikiLeaks, Bradley Manning est soupçonné d’avoir transmis au site d’information une vidéo montrant la responsabilité de l’armée américaine dans un raid qui avait coûté la vie à plusieurs civils en Irak. Il y a quelques jours, le soldat a été inculpé de 22 chefs d’accusation supplémentaires, dont le plus sérieux est celui d’« aide à l’ennemi », ce qui pourrait lui valoir l’emprisonnement à perpétuité.
Il faut sauver le soldat Manning
A la Une du Canard enchaîné du 20 avril 2011
Arrêté il y neuf mois, et accusé d’être la source de WikiLeaks, le soldat américain Bradley Manning doit sérieusement envier la détention des islamistes du camp de Guantanamo.
Totalement isolé 23 heures sur 24, Manning a le droit de tourner en rond une heure dans une autre pièce de la prison. Pas de promenade, pas de cour grillagée, pas de ciel. Quand la nuit arrive, il est privé de vêtements et doit dormir nu. Et c’est nu aussi qu’il sort dans le couloir au matin pour l’appel, visage tourné contre la porte de sa cellule.
Jour et nuit, les gardiens lui posent une seule et même question : "Etes-vous OK ?" On le tire même plusieurs fois de son sommeil pour qu’il puisse y répondre. Et seul le "oui" lui est autorisé.
Ces conditions de détention correspondent à la "sécurité maximale de prévention du suicide" mise en place dans les prisons américaines. Si le président Obama a estimé que ces mesures étaient "appropriées", le New York Times, dans un éditorial, comme des centaines d’universitaires, chercheurs et juristes ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme des "conditions inhumaines, dégradantes, illégales et immorales".
Le soldat Manning ne sait pas combien de temps il sera détenu. Aucune date n’a été fixée pour son procès. Ce n’est plus une détention, c’est une leçon donnée aux petits malins qui s’amuseraient avec les secrets d’État.